Quatre ans après la suppression de la PACES, le système d’accès aux études de santé vit peut-être ses derniers mois sous sa forme actuelle. Lors d’une audition devant les sénateurs, les ministres en charge de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont annoncé leur volonté de lancer une nouvelle réforme du dispositif PASS-LAS dès la rentrée 2026. Objectif : corriger les dérives, simplifier le système et répondre enfin aux besoins du terrain. Mais derrière ces intentions affichées, les contours de la réforme restent encore incertains.
Une réforme nécessaire… mais encore floue
C’est un constat partagé aussi bien par les ministres que par la Cour des comptes ou les doyens de médecine : la réforme PASS-LAS, mise en place en 2020, n’a pas tenu toutes ses promesses. Pensée pour ouvrir les portes des études médicales à des profils plus diversifiés, elle a surtout créé une grande complexité administrative et un sentiment d’inéquité parmi les étudiants.
Selon Yannick Neuder, ministre délégué à la Santé, « la mauvaise appropriation du dispositif par les lycéens, les enseignants et même les médecins » a contribué à fragiliser le système. Même son de cloche du côté de Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur, qui évoque « l’hétérogénéité entre les universités » comme l’un des freins majeurs à l’équité.
Vers un modèle plus lisible et plus juste
Si le retour à la PACES est exclu, les deux ministres semblent s’accorder sur la nécessité de revenir à un modèle plus lisible, avec des règles harmonisées au niveau national, tout en maintenant une certaine diversité de parcours. Autrement dit, il ne s’agirait pas de supprimer le PASS ou la L.AS, mais plutôt de les réorganiser autour d’un cadre commun plus clair et plus stable.
Philippe Baptiste défend notamment l’idée d’un « modèle unique d’organisation », qui conserverait plusieurs portes d’entrée, mais avec une vraie cohérence dans les pratiques et les critères d’admission. L’enjeu est de taille : il s’agit à la fois de préserver la souplesse du système et de restaurer la confiance des étudiants.
La première année bientôt délocalisée ?
Autre piste évoquée : le déploiement de campus connectés, permettant à des étudiants de suivre leur première année à distance, depuis des territoires moins bien desservis. Déjà en place à Grenoble, cette approche permettrait d’élargir les capacités d’accueil sans saturer les amphithéâtres dans les grandes métropoles. Aujourd’hui, 75 % des départements disposent d’une antenne proposant une première année de santé.
Mais cette décentralisation ne doit pas masquer un autre défi : celui des stages cliniques, en deuxième et troisième années, beaucoup plus complexes à organiser hors des CHU. Pour Philippe Baptiste, « pousser les murs est possible en première année, beaucoup moins dans les suivantes. »
Une sélection toujours aussi rude
Malgré la suppression du numerus clausus, la sélection reste extrêmement exigeante. C’est désormais le numerus apertus, défini par les universités en lien avec les ARS, qui fixe les seuils d’admission. Et les écarts entre PASS et L.AS, en termes de taux de réussite, sont toujours très marqués : environ 36 % des étudiants admis en MMOPK via le PASS, contre 17 % en L.AS lors de la première tentative.
La question du redoublement est aussi remise sur la table. Jugé contre-productif par certains, perçu comme une bouée de secours par d’autres, il pourrait faire son retour sous certaines conditions. Faut-il permettre un vrai redoublement ou préférer un droit à une seconde tentative dans un autre parcours ? Le débat reste ouvert.
Un enjeu de souveraineté… et de confiance
En toile de fond, la question des départs massifs vers la Belgique ou l’Espagne alimente les inquiétudes. « On nous demande de récupérer nos étudiants », rapporte Yannick Neuder. Un signe que la France perd le contrôle de sa formation médicale, dans un contexte où les besoins en professionnels de santé ne cessent d’augmenter.
Pour regagner la confiance des étudiants et des familles, la prochaine réforme devra réussir là où la précédente a échoué : garantir la lisibilité du système, réduire les disparités entre universités, et offrir un cadre plus juste, sans pour autant sacrifier l’exigence.